La conférence inaugurale de l’année académique 2024-2025 à l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (EITB) s’est tenue ce vendredi 31 janvier 2025 sur les installations de l’école à Togbin Daho dans un contexte particulier, celui de la célébration des 20 ans d’existence de ce lieu de formation, de création et de diffusion.

« Comment faire vivre notre héritage, notre patrimoine aujourd’hui pour qu’il ne soit pas folklorisé, qu’il ne soit plus vu comme un simple folklore d’amusement ? ». C’est sous ce questionnement que l’expert en patrimoine Alain Godonou a introduit la conférence inaugurale de l’année académique 2024-2025 à l’EITB vendredi dernier. A l’entame, le conférencier rappelle que le patrimoine est à la fois l’héritage matériel et immatériel. Le matériel, c’est d’une part le patrimoine mobilier dont les trésors et les grands statuts représentant l’esprit des rois ; et d’autre part le patrimoine immobilier que constituent les sites et monuments -palais, couvents, forêts sacrées- qui viennent de l’histoire de la communauté ou du pays. Il classe dans le patrimoine immatériel les panégyriques, la littérature orale, les chants, les danses, les savoir-faire des forgerons, des tisserands, des portiers, etc.
La loi des grandes puissances
L’ensemble du patrimoine, indique le conférencier, est apprécié et géré collectivement au niveau international par les conventions notamment celles de l’UNESCO et des Nations-Unies qui donnent des orientations sur comment conserver l’héritage. Le spécialiste de la conservation et restauration des biens culturels renseigne que la première démarche est l’inventaire. Ceci, pour pouvoir disposer de l’inventaire pour que chaque communauté dégage ‘’les choses’’ qui sont significatives pour elle.
Ancien directeur programme culture à l’UNESCO et ayant participé à la Convention 2003 du patrimoine immatériel de l’UNESCO, Alain Godobnou relève qu’il y a eu des points d’appauvrissement des conventions. Les grandes puissances internationales ont refusé par exemple de considérer les trésors humains vivants, les rituels de courage, pourtant qui restent des patrimoines importants pour les peuples concernés. « Chacun selon son histoire et sa culture devrait être attentif à ce qu’il intègre dans son patrimoine immatériel et non se référer uniquement aux textes internationaux qui codifient le patrimoine immatériel parce les textes internationaux sont des consensus au maximal et dans ces consensus, les grandes puissances ont droit de supprimer ou d’éliminer ou d’imposer ce qu’elles veulent », conseille l’expert. Ce que ces puissances ne veulent pas ne peuvent pas figurer dans ces conventions, à l’en croire.

Les canaux de transmission et valorisation malades
Outre ces points de faiblesse, le conférencier a abordé dans les discussions le volet transmission et valorisation du patrimoine. Les deux principaux canaux de transmission selon lui, sont l’école et la famille. Mais, souligne-t-il, ces lieux de transmission ne sont pas outillés. Tel que le jeune africain est ‘’fabriqué’’ par les deux canaux de transmission, c’est normal qu’on arrive à des adultes qui, en position de décision, ne savent rien de leur racine et de leur culture, estime Alain Godonou. « Nous sommes fabriqués pour avoir une idée négative de nos traditions et de notre environnement ; une méconnaissance totale de notre patrimoine », affirme-t-il.
Le passage nécessaire
Dans un tel contexte, le Bénin est un cas particulier avec un gros avantage par rapport aux autres pays, selon le conférencier. Ceci, parce que le président Talon a décidé de développer le Bénin à partir de la plus grande richesse du pays qu’est la culture, à l’en croire. Actuel chargé de mission du président de la République au patrimoine et au musée, Alain Godonou témoigne qu’avec le régime actuel, il y a un changement de paradigme radical au Bénin marqué par une réelle reconnaissance de la culture comme un véritable pilier de développement. « Le niveau des investissements a radicalement changé. Il tourne autour de 2.000.000 milliards. Aucun pays africain ne l’a », défend-t-il.
La concrétisation de la vision est axée sur deux mesures à savoir la recherche de ce qui peut être valorisant pour le Bénin (les trésors royaux d’Abomey, musée à construire, etc.) et le patrimoine immatériel vodoun et tout ce qui tourne autour. Mais en plus, il y a un passage à faire, fait savoir Alain Godonou. Celui-ci nécessite des écoles de formation et des programmes dans le milieu scolaire parce qu’il faut éduquer les gens à changer de regard sur la culture. Sur ce, certains acteurs proposent que le Conseil national de l’éducation (CNE) qui décide et oriente les programmes scolaires soit mieux touché par la problématique de transmission, valorisation et promotion du patrimoine. Une chose est d’avoir le patrimoine, une autre est de pouvoir l’amener sur une scène internationale.
Notons que Alain Godonou est fait parrain des 12ème et 13ème promotions de l’EITB.
