La nouvelle signature en écriture et mise en scène du dramaturge béninois Hurcyle GNONHOUE était sur planche dans la soirée du jeudi 02 mars 2023 à Le Centre à Lobozounkpa. Sur scène durant 3 fois 30 minutes, Didier Sèdoha NASSEGANDE, Nathalie Hounvo YEKPE et Sidoine AGOUA ont représenté « Faustine d’Agla, Effet Doppler ». Les trois comédiens portent, autour de l’histoire de la jeune fille qui veut produire des bébés à qui le désir (mère porteuse), des faits de société depuis le petit maillon à la maison jusqu’à la grande famille planétaire virtuelle.
« Faustine d’Agla, Effet Doppler ». Le spectacle de ce jeudi soir à Le Centre au Bénin est une production de Atelier ouverture Azo (AOA) et Adav Bénin en partenariat avec la Cie Mosor (France) et la Cie Miroir de vie (Niger). Toute l’histoire se passe en trois moments scéniques de 30 minutes chacun. 1. Faustine vit chez ses parents à Agla – un quartier de Cotonou au Bénin- mais veut exister dans un autre monde autre que celui de ses parents, aussi bien espace géographique que temps. Elle veut mener la vie qui lui plait.
Son nouveau projet, c’est faire « un bébé et des gazouillis familiaux » à qui le désire, autrement un business de grossesse, une ‘’fournisseuse de bébé’’, une mère porteuse. Son premier contrat avec le couple Martinet n’aboutira pas. Sa mère brisera l’œuf qu’elle s’apprêtait à se faire inséminer. Le dialogue entre les deux est porteur de différentes positions d’une société à une autre sur la thématique. L’adolescente multiplie ses arguments pour défendre le monde auquel elle prétend contre le quotidien peu enviable qu’elle vit avec une mère bricoleuse. Avec sa mère qui, en absence de son père abonné au débit d’alcool « chez Dadjè », se bat seule pour canaliser les rêves démesurés de sa fille, aucune concertation n’a jamais été du plaisir. La relation parent-enfant n’est pas au beau fils. Faustine préfère s’affirmer fille 3.0 sur les réseaux sociaux où elle s’imagine ses modèles, publie, répond aux annonces, voit son monde… Elle veut faire de son corps ce qu’elle veut.
2. Vecteur X qui prend la défense contre les auteurs des annonces auxquelles tombent des adolescentes via le net devenu aussi le repère de tout ce qui bouleverse la société, n’arrivera pas à mettre la main sur les Martinets. Elle n’aura qu’à se fatiguer à fouiller sans fin les conversations sur la toile. 3. Mais toujours est-il qu’il y a des obsédés, un bébé à tout prix dans le cas d’espèce, qui vivent leur croix attendant en vain l’aboutissement du projet.
Les trois sections du spectacle se succèdent comme une suite de réflexions sur différents faits de société dont l’enfantement pour autrui, la jeune fille face aux brillantines des réseaux sociaux, la responsabilité des parents en termes d’éducation dans le contexte des déviances sur les réseaux sociaux, l’exhibitionnisme des filles sur les réseaux sociaux, l’envie démesuré ou aveugle de l’adolescente à vivre sur une autre planète, les pièges sur la toile, la protection des adolescentes, etc.
Ces comédiens caméléons
Le coup de maître artistique de ce spectacle, au-delà de l’écriture et des options scéniques du metteur en scène avec ses modulations, réside aussi dans cette métamorphose des trois comédiens sur scène à passer d’un coup, d’un personnage à un autre ; des personnages pourtant bien en déphasage puisqu’il s’agit de croiser des positions opposées. Cette réussite de la pièce est très visible. C’est l’exemple du seul comédien sur plateau avec les deux comédiennes qui va d’un père alcoolique à une femme enceinte passant dans la peau de la reine Nzinga d’Angola et du coiffeur Lucien avec aisance.
On pouvait aussi voir Nathalie dans la posture d’une mère bricoleuse dépassée par les envies de sa fille, à une dame de fer qui brise tout sur son passage pour rendre justice, avec un verbe bien prononcé puis à une infirmière à diction difficile qui n’en peut plus face à l’obsession d’une femme à avoir un bébé. De même, la jeune Sidoine, entre temps dans la peau de l’adolescente arrogante et même sans cœur face aux crises de sa génitrice pourvu qu’elle réalise ce qu’elle désir, arrive au troisième volet du spectacle dans un personnage stagiaire infirmière très sociale et compatissante.
C’est aussi une expression des chocs d’idées et de positions sur les problématiques soulevées dans la pièce. Mais également, il a fallu cette qualité empreint d’énergie des comédiens pour réussir à avoir les spectateurs surtout jusqu’à la troisième division. C’est peut-être sciemment que l’auteur a distribué dans sa mise en scène des comédiens de cette trempe comme Didier Sèdoha NASSEGANDE et Nathalie Hounvo YEKPE sur scène avec la jeune Sidoine AGOUA traînée dans cette endurance scénique. On dirait trois spectacles en un.