Mis en place depuis 2019, le point numérique communautaire (PNC) de Ouidah offre aux populations de la cité de Kpassè un espace dynamique où elles trouvent un service d’accès à Internet haut débit, divers services en ligne et bien plus encore.
Ouidah, situé à quarante kilomètres à l’ouest de Cotonou, la capitale économique du Bénin. Il est un peu plus de 13 heures ce 15 janvier. Dans la salle, le cliquetis des claviers est incessant tandis que les usagers, sept jeunes hommes, ont les yeux rivés sur des écrans. Certains, des élèves, font des recherches pour un exposé, d’autres surfent sur des sites diffusant des informations sportives ou écoutent de la musique. Nous sommes au Point numérique communautaire (PNC) de Ouidah. Niché dans l’enceinte de l’Office du tourisme, l’espace est ouvert de 8 à 20 heures tous les jours, sauf le dimanche.
« Le service principal que nous offrons, c’est l’accès à Internet. On reçoit tout le monde, principalement les élèves. Ils viennent faire des recherches pour leurs exposés. Nous organisons aussi des formations en informatique», explique Aristophane Houézé, le gérant du PNC de Ouidah. L’espace compte 10 ordinateurs clients et un pour le gérant ainsi qu’un onduleur, un routeur pour la connexion, une imprimante, un scanneur, un groupe électrogène, des panneaux solaires etc.
En quelques années, l’endroit a conquis plus d’un à Ouidah. William Hodonou, un jeune développeur web mobile y est régulier: «Je connais le PNC depuis 4 ans, grâce à mon grand-frère Il voulait me faire découvrir les lieux et la connexion qui était ultra rapide». Résidant à Cotonou depuis deux ans, il ne manque jamais aucune occasion de s’y rendre quand il se trouve à Ouidah : « Je suis venu ici au moins 7 fois depuis le 31 décembre ». Technicien de maintenance en informatique, Ulrich Tomavo lui fréquente le PNC depuis son ouverture. « Je suis également dans le domaine du numérique et c’est ici que je viens me connecter pour me mettre à jour afin de proposer des nouveautés à mes clients», explique-t-il.
Une heure à cent francs CFA
Au PNC de Ouidah, la qualité de la connexion est appréciée. « Si tu viens aux heures libres, tu peux télécharger des fichiers de grande capacité sans même épuiser l’heure achetée. C’est très avantageux » selon Ulrich Tomavo qui qualifie le centre de « très utile». L’autre attraction est le coût de la connexion, 100 FCFA. « On avait commencé gratuitement après nous sommes passés à 150 FCFA avant de descendre à 100 FCFA aujourd’hui », explique M. Houézé.
Au-delà du cybercafé, le PNC est devenu le centre névralgique de Ouidah pour l’accès aux services administratifs en ligne. Les habitants peuvent y réaliser diverses démarches administratives tout en bénéficiant de l’assistance d’Aristophane.
Justement ce jour-là vers 15 heures, un homme, la soixantaine fait son entrée au PNC. Il a besoin d’un Identifiant fiscal unique (IFU) et ne sait comment s’y prendre. En quelques minutes, Aristophane Houézé l’aide à régler le problème. Au même moment, son téléphone sonne. A l’autre bout du fil, un homme qui se perd sur la plateforme de l’Agence nationale d’identification des personnes (ANIP). A peine raccroche-t-il qu’il doit aider quelqu’un pour le renouvellement en ligne de son passeport.
En une journée, le gérant voit passer une trentaine de personnes, dont environ la moitié pour les services numériques gouvernementaux. Il dit avoir remarqué un changement chez les populations qui accordent de plus en plus d’importance aux e-services désormais.
Des défis tout de même
Malgré son succès et son utilité unanimement reconnue par les usagers, des défis subsistent pour le centre. Les batteries des panneaux solaires, initialement installées pour fournir une source d’énergie durable, sont actuellement en panne. Une situation qui oblige le centre à dépendre de l’électricité conventionnelle et de ses coûts.
Aristophane Houézé espère voir le bout du tunnel avec l’installation prochaine des deux panneaux solaires reçus en décembre 2024. En plus des panneaux, le centre a reçu de nouveaux terminaux, cinq ordinateurs corporate que « les usagers préfèrent parce qu’il n’y a plus de problème de câble », souligne M. Houézé.
Pour sa part, Ulrich Tomavo souhaite une solution rapide à la baisse du débit de connexion constatée récemment. « Ça rame quand plusieurs personnes se connectent en même temps. Il faut augmenter le débit. C’est crucial » suggère le jeune homme.
Investir dans les infrastructures numériques
En plus de Ouidah, 42 autres communes sur les 77 que compte le Bénin abritent un PNC. Il s’agit d’un projet gouvernemental mis en œuvre par le ministère du Numérique et de la digitalisation à travers l’Agence béninoise du service universel des communications électroniques et de la poste (Absu-Cep). Le projet implique deux sociétés privées, le fournisseur d’accès à Internet Jeny SAS, et l’entreprise chinoise Huawei. Il vise à réduire le gap numérique entre les centres urbains et les milieux ruraux du Bénin.
« (…) nous ne pouvions pas digitaliser les services publics, rendre possible la création de plus en plus d’outils en ligne et ne pas permettre aux usagers d’y accéder de façon confortable » a expliqué Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique et de la digitalisation dans un entretien au magazine Jeune Afrique.
Les PNC n’auraient pas été possibles sans les investissements engagés dans les infrastructures publiques numériques, notamment la fibre optique, essentielle pour des connexions rapides et fiables. Le Bénin a choisi cette option pour améliorer l’accès à Internet dans le pays. Selon la ministre, la fibre optique «représente aujourd’hui, la meilleure et la dernière technologie en termes d’accès au haut débit et très haut débit».
Plus de 2 500 km de fibre optique ont déjà été déployés sur le territoire national, permettant de relier 50 communes et il est prévu de connecter 18 autres. Les 9 restantes le seront grâce à des technologies alternatives, de façon à couvrir les 77 communes du Bénin, a annoncé la ministre en novembre 2023 au cours d’une émission de reddition de comptes sur le secteur du numérique à la télévision nationale.
Cet article est rédigé dans le cadre de la Bourse du Programme de journalisme sur les infrastructures publiques numériques (IPN) de la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) en collaboration avec Co-Develop.
Flore NOBIME