L’écrivain Apollinaire Agbazahou était face à un beau public d’amoureux de la littérature le samedi 25 juin 2022. Pendant plus de 120 minutes à l’auditorium de l’institut français du Bénin, site de Cotonou, l’inspecteur des enseignements secondaires s’est prêté, à cœur ouvert et avec grand plaisir, à une séance de conversation littéraire instructive avec un public heureux de s’abreuver à la source de ses inspirations ayant porté comme fruits plusieurs œuvres dont « La bataille du trône », « Le gong à bégayé » (livre inscrit au programme scolaire au Bénin), « Cactus dans le ménage », « Cartulaire buissonnier », « Kaletas la mascarade », « Douloureuse amour » et bientôt, « Mémoire des injures ».
« Le souci fondamental, c’est de donner le goût de la littérature à monsieur tout le monde, c’est de faire en sorte que les gens se disent: ‘’quand on a la littérature dans le sang, quand on s’intéresse aux faits littéraires, il y a beaucoup d’intérêts ». Dans sa déclaration en fin de séance, on comprend la raison de l’entière disponibilité affichée par Apollinaire Agbazahou lors de la conversation littéraire le samedi 25 juin dernier à l’institut français du Bénin à Cotonou. Une disponibilité à communiquer à son public la sensibilité littéraire qui produit le goût de la littérature. Pour y arriver, l’écrivain béninois, ou l’inspecteur des enseignements secondaires, a exposé des coulisses de ses œuvres selon les questions du modérateur de la séance et du public.
Apollinaire Agbazahou et la politique: pourquoi ?
Jérôme Tossavi, puisque c’est le modérateur, après une présentation de l’auteur qu’il recevait, a choisi rentré dans la conversation à partir des sources d’inspirations de l’écrivain. C’est par, entre autres, le procès politique commun à plusieurs œuvres de Apollinaire Agbazahou dont « La bataille du trône » et « Le gong à bégayé ». Mais lui, l’auteur, répondra que c’est avec plein droit qu’il s’attaque aux politiciens dans ses œuvres. Et pour cause ! « Je constate en fait que personne n’aime un peuple surtout sous nos cieux », affirme-t-il. « Ce que je sais, c’est que chacun vient se remplir la poche, fait l’effort d’arranger la condition familiale, s’évertue à élever les amis, les proches et puis après, quitte la scène politique. C’est un peu cette cochonnerie que je constate au sein de la gent politique qui m’inspire certaines œuvres », justifie l’auteur.
En exemple, Apollinaire Agazahou révèle que c’est le départ du président Soglo qui lui a inspiré la pièce « La bataille du trône ». L’empereur, c’est un peu le président Kérékou métamorphosé et Soglo le prince. Lorsque le prince a réussi à mobiliser la jeunesse et à destituer l’empereur, il y a eu la cacophonie des ambitions où tout de suite, toute le monde voulait gérer le pouvoir avec lui. Samedi dernier, Apollinaire Agbazahou a raconté les coulisses du projet d’écriture de cette œuvre puis, pour en généraliser, s’interroge: « Nous menons toutes les batailles pour prendre le pouvoir, mais qu’est-ce que nous en faisons. Suivez mon regard, il y a eu une liesse populaire à l’avènement de qui vous savez. Vous voyez la suite ? ». « La gestion du pouvoir sous nos cieux n’est jamais orthodoxe, n’est jamais humaine, et en faite n’écoute pas le peuple. C’est ce qui fait que la thématique politique est pour moi une friandise dans mes œuvres », a-t-il confié.
Un conflit de génération à dessein
Outre le procès politique, il y a également le conflit de génération qui revient dans des publications de Apollinaire Agbazahou. L’inspecteur avoue que, dans « Le gong a bégayé », c’est un conflit de génération délibéré et voulu. « Parce que j’ai constaté une chose : les jeunes d’aujourd’hui pensent que les vieux n’ont rien à leur offrir et réclament un peu trop tôt leur indépendance et affectent de signe moins tout ce qui se passait, tout ce qui fait partie de la tradition. Moi j’estime que c’est de l’ancien que sort le neuf et qu’on ne peut pas évoluer comme ça sans tenir compte du passé », explique-t-il.
Il était question pour lui, de montrer que « toute la jeunesse actuelle navigue à vue et va vers la perditions ». « Et on va la sauver difficilement […] Les repères sont totalement embrouillés », prévient l’éducateur. Il en veut pour preuves, les histoires de cybercriminalité, de meurtre pour de l’argent, etc. « Des élèves qui battent leurs enseignants, des jeunes parents qui rentrent dans nos établissements et prennent par le collet les enseignants de leurs enfants », cite-t-il.
Cela est dû selon lui, à l’imitation servile de l’autre. C’est alors à dessein qu’il a créé le conflit de génération dans « Le gong à bégayer » pour sensibiliser. C’est là un point capital de sa littérature. Et il veille à cela à chaque publication, à l’en croire. « Si on dépose l’œuvre et qu’on n’est pas sensibilisé, je n’aurais rien fait », dit-il.
Comment transmettre la littérature, clé d’un monde humain ?
Pour Apollinaire Agbazahou, la littérature est un remède aux maux de société. « C’est seulement la littérature qui donne à l’homme ce qu’on appelle la qualité humaine ; et c’est la qualité humaine qui manque aujourd’hui. La littérature, c’est une magie qui fait d’un homme un homme complet, un homme de haute sensibilité. Devant un malheur humain, le bon littéraire doit réagir », défend l’inspecteur. « Les amants des belles lettres sont souvent les gens qui respectent les codes et les arcanes de l’existence positive », a-t-il insisté. Il est alors urgent d’œuvrer à donner le goût de la lecture aux élèves.
A ce niveau l’inspecteur des enseignements secondaires s’est adressé surtout aux enseignants du français à savoir communiquer aux apprenants comment cultiver la sensibilité littéraire. « Pour communiquer la sensibilité littéraire, il faudrait que celui qui communique même vive sa passion, porte sa croix comme Jésus. C’est seulement à cette condition que vous être un bon enseignant ; c’est à cette condition que tous vos élèves disent : ‘’ la littérature, c‘est une bonne chose, on va l’embrasser, on va s’intéresser à cela », a-t-il conseillé.
Notons que la prochaine rencontre avec Apollinaire Agbazahou est pour très bientôt, exclusivement autour de son nouveau livre « Mémoire des injures ».