Ayôdélé. La chanteuse béninoise a donné son premier concert au Marché des arts du spectacle d’Abidjan (MASA), 12ème édition, dans la soirée du dimanche 6 mars 2022 sur l’esplanade du Palais de la Culture à Treichville. Les points noirs de la technique ne l’ont pas autant empêché de défendre à bien les couleurs de son pays et la pièce qu’elle apporte sur ce marché.
Le soir du dimanche 6 mars 2022. Première soirée des spectacles de la programmation officielle du MASA. Deux spectacles de la Côte d’Ivoire sont passés déjà ici sur l’esplanade du Palais de la Culture. A 21h12, arrive le tour de Ayôdélé. Tous les regards sont portés vers la scène 1, qui fait dos à la lagune Ebrié où Magic system a joué la veille, pour l’ouverture du festival. Ce soir, c’est le moment de découvrir l’un des composants du menu béninois à ce festin des arts du spectacle.
Sous fond du rythme traditionnel Agbadja aux arrangements modernes, monte l’artiste cachée dernière les couleurs de son pays. Sur scène puis le drapeau vert-jaune-rouge ôté, apparaît la jeune béninoise, la femme africaine. Ayôdélé est dans sa jupe en fil de raphia ; sa poitrine soigneusement derrière un soutien-gorge en deux petites calebasses couvertes d’un assemblage de raphia tressé. La capitaine de la musique béninoise ce soir sur le MASA porte au bras gauche, un brassard en tissu noir sur lequel sont fixés des cauris disposés parallèlement deux à deux en signe du Fa. Elle le porte aussi au poignet droit puis au pied gauche.
Sa tenue de scène renvoie déjà au public, un aperçu de sa ligne musicale sur ce marché des arts du spectacle. Dans le répertoire qui s’en suit, la finaliste béninoise du prix découverte Rfi 2017 est dans l’afropop. Des rythmes béninois dont le Kaka portent les grilles rocks de sa musique chantée en langues locales comme le Fongbé et le Yorouba entrecoupées de quelques phrases en anglais et en français. Elle voyage entre ses propres compositions et des refrains populaires de sa terre natale.
Un tambour des revenants du Bénin à Abidjan
En exergue de ce qu’elle produit ce soir, ce sont les tambours à savoir, le « pawhlè », le « gangan » (talking drum) et le « ogbon ». Tambour du Bénin joué, à l’origine, dans les couvents pour la sortie des revenants dans le culte Egoun-goun, le ogbon est la touche particulière de Ayôdélé sur ce MASA Marché. Vers la 30ème minute de sa prestation, l’artiste, assise sur un petit siège bourré en cuir, manipule bien sa percussion dans « yêli », une chanson populaire de Porto-Novo, la capitale historique du Bénin. La paume frêle de sa petite main lui permet néanmoins de s’exprimer avec dextérité sur ce tam-tam doté aussi de pouvoir de mettre en transe des adeptes de certains cultes vodoun au Bénin. Le public en a eu une représentation par l’artiste même, excellente danseuse sur scène.
C’est une découverte merveilleuse pour ce public de 26 pays d’Afrique et d’Europe au MASA cette année. Ayôdélé a eu une bonne cible pour faire admirer son tam-tam ce dimanche soir à Abidjan. Son détour de trois à quatre minutes vers d’autres rythmes et danses dont le « zouglou » et le « coupé-décalé » de la Côte d’Ivoire et le « Shaku Shaku » du Nigéria avant l’instant « Ogbon » a bien servi d’appât pour réunir tout le public du MASA autour de ce tambour typiquement béninois et du rythme du même nom.
Les tam-tams d’Afrique, toujours un défi de son
Pour y arriver, Ayôdélé a dû aussi se trouver d’autres moyens pour surpasser quelques difficultés de la technique. Le rendu au public du son des tambours introduits dans ce spectacle par la chanteuse béninoise n’a pas été le meilleur. Si pour son tambour principal, le son était passable, quant aux autres, on pouvait les confondre carrément à d’autres percussions. A la balance, il y a eu déjà un peu de difficulté au niveau des réglages. Mais l’artiste béninoise ne tient pas trop dent aux techniciens à ce propos. « Nous ne sommes pas au Bénin. C’est des tambours qu’on ne retrouve pas vraiment ici. Le réglage, ce n’était pas vraiment ça mais on a dû faire avec, parce qu’il faut faire avec les moyens de bord.» affirme Ayôdélé. Et elle y est arrivée vraiment.
Sans doute, les sonorités de ces tambours constituent aussi sa source d’inspiration et de puissance sur scène, mais elle ne s’est pas laissée abattre par leurs résonnances détournées sur ce concert. L’expression de la puissance de sa voix et de son corps a permis aussi de sauver le jeu. « Partout où je fais sonner mes tambours, que ça sonne bien ou pas, ça reste la musique africaine », s’encourage certes l’artiste, mais ceci pose une fois encore la problématique liée à l’enregistrement professionnel des tambours traditionnels porteurs aussi de l’identité de la musique africaine. La prise de son des tambours d’Afrique reste encore un défi entier pour la valorisation et l’exportation de la musique africaine dans le monde.
Blaise Ahouansè