La lutte contre le paludisme, voire son élimination, requiert davantage la mobilisation de toutes les forces notamment économiques face au déficit de financement. Le secteur privé se révèle une chance contre ces millions de morts, pourtant évitables, dues au paludisme dans le monde. Les impacts de la première expérience d’exploitation de cet atout sur l’incidence du paludisme et la mortalité en témoignent. Au bilan, il urge d’accélérer la quête des solutions pour relever les défis qui se sont posés sur le chemin de la mise en service de cette force.
La stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme souffre de manque de financement. Par exemple, seuls 4,1 milliards USD ont été mobilisés en 2022 contre une estimation de 7,8 milliards USD nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les objectifs clés de cette stratégie qui ambitionne de réduire la charge mondiale du paludisme de 90% d’ici à 2030, à savoir la réduction de l’incidence des cas de paludisme et des taux de mortalité due à cette maladie, ne seront pas atteints, selon Dr Jean Kouamé KONAN, représentant résident par intérim de l’OMS au Bénin et chef de file des partenaires techniques et financiers en santé dans ce pays.
Il relève que « ces dernières années, les progrès en matière de lutte contre le paludisme se sont ralentis, en particulier dans les pays où la charge de morbidité est élevée ». Le rapport 2023 de l’OMS sur le paludisme indique une augmentation de 5 millions de plus qu’en 2021 en termes de cas de paludisme dans le monde. On note environ 249 millions en 2022. Il y a 6% d’augmentation du nombre de décès par rapport à 2019, soit environ 608.000 décès en 2022 dont 78% sont des enfants de moins de cinq ans.
Le secteur privé, un rempart
Ce tableau impose une réorientation de la lutte. L’accent est mis sur la collaboration et la mobilisation de ressources outre qu’étatiques et étrangères dans chaque pays. Dans l’urgence d’exploration d’autres pistes, la mise à contribution du secteur privé économique s’est révélée capitale. Pour preuve ! Entre autres, l’initiative « Zéro Palu, les entreprises s’engagent » conduite par le groupe Ecobank en partenariat avec Speak Up Africa et le Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme. L’objectif était de « stimuler l’engagement du secteur privé dans la lutte contre le paludisme en Afrique ». Au termes des phases pilotes, les fruits ont porté la promesse des fleurs. C’est 6 millions de dollars USD mobilisés en contributions financières et en nature avec 60 entreprises contributrices dans cinq pays à savoir, le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana, le Sénégal et l’Ouganda. Plusieurs entreprises privées se sont engagées pour la cause contre le paludisme à travers cette initiative innovante.
Au Bénin qui a accueilli l’initiative en septembre 2020, le bilan à la clôture de la phase pilote à la date du 26 avril 2024 en dit long. Au chapitre des impacts dans ce pays en quatre ans, le coordonnateur national du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) Dr Achille Batonon évoque le passage du budget du ministère de la santé alloué à la lutte contre le paludisme, d’une moyenne de 1.039.901.000 FCFA (sur la période 2020 à 2022) à 2.500.000.000 FCFA pour l’année 2023, puis à 3.000.000.000 FCFA en 2024 ; la signature des conventions de partenariat avec les entreprises engagées pour accompagner la lutte ; la création de ligne budgétaire pour le paludisme par des entreprises ; etc. Le coordonnateur de Speak Up Africa au Bénin parle de 70.005.500 F CFA mobilisés. Au-delà, il y a eu la prise de l’arrêté ministériel 2023-0097/MS/DC/SGM/DNSP/CJ/SA consacrant la mise en place du comité de pilotage, comme un acte garant de la pérennisation de l’initiative. « Nous sommes aujourd’hui satisfaits du résultat », confie la championne nationale Dr Annabelle Ekué Hounkponou.
Mais encore des défis
Cette contribution du secteur privé est plus que jamais attendue. Il est urgent de mobiliser davantage les entreprises et les ressources domestiques. En effet, « l’OMS estime que plus de 10 milliards de dollars sont nécessaires pour mettre en œuvre des plans stratégiques nationaux de lutte contre le paludisme dans 30 pays africains au cours des trois prochaines années ». Au Bénin, il y avait un gap de financement de 33.392.648.627 F Cfa en trois années de mise en œuvre des interventions du Plan stratégique intégré orienté vers l’élimination (PSNIE) du Conseil national de lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose, le paludisme, les hépatites, les IST et les épidémies (CNLS-TP) 202-2024. « L’espoir, c’est qu’il y ait plus de champions -privés de lutte contre le paludisme, ndlr- », exprime le coordonnateur national du PNLS au Bénin, Dr Achille Batonon.
Il va falloir, à l’en croire, renforcer la collaboration privé-public, créer un environnement favorable et stimulant à l’investissement privé en santé, mettre en place un mécanisme de mobilisation de ressources endogènes, documenter fortement l’impact et l’utilisation des fonds mobilisés, etc. Il invite toutes ces personnes de bonne volonté qui ont manifesté un intérêt et mis des ressources à disposition « à ne pas quitter la barque quand il s’agira de passer à l’échelle pour qu’en 2030, le Bénin puisse aussi passer à l’élimination du paludisme ». « Plus que jamais, nous avons besoin du secteur privé. Que cette collaboration puisse restée très pérenne, c’est notre leitmotiv », martèle le Coordonnateur national de Speak Up Africa.
Des champions pour « zéro paludisme à l’horizon 2030 »
Visiblement, les personnes et les entreprises déjà embarquées sont prêtes à poursuivre la lutte au Bénin. « Il reste beaucoup à faire. Nous devons continuer et généraliser le mouvement à toutes les entreprises pour que nous atteignions vraiment notre objectif à savoir ‘’zéro paludisme à l’horizon 2030’’ », déclare la championne nationale Dr Annabelle Ekué Hounkponou. Tant que cet objectif n’est pas atteint, il n’est pas question de baisser les bras, selon l’honorable Aké Natondé, champion Afrique de l’initiative « Zéro Palu, les entreprises s’engagent ». « Nous ne devons pas nous arrêter en si bon chemin parce que tant que le paludisme n’est pas éradiqué, il faut que nous continuions la lutte pour permettre à ce que le monde soit débarrassé d’une maladie qui a choisi de faire des ravages à 95% sur le continent africain », insiste le député à l’Assemblée nationale du Bénin et aussi patron d’entreprise privée.
Le paludisme continue en effet d’être le premier motif de consultation et d’hospitalisation enregistré dans les formations sanitaires et surtout la première cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans. Dans le lot, « la région africaine de l’OMS supporte actuellement la charge la plus lourde du paludisme, représentant, en 2022, environ 94% de tous les cas de paludisme du monde et 95% des décès dus au paludisme dans le monde », relève le représentant résident par intérim de l’OMS au Bénin, Dr Jean Kouamé KONAN. « En 2023, les nouveaux cas de paludisme dans la population générale représentaient 17% et 39% chez les enfants de moins de 5 ans. La mortalité due au paludisme chez les enfants de moins de 5 ans est d’environ 106 décès pour 100.000 enfants », précise au Bénin, le ministre de la santé, professeur Benjamin HOUNKPATIN. « C’est déjà trop », affirme l’autorité. « On ne peut pas rester les bras croisés contre une maladie qui continue de faire des ravages aussi importants. Nous allons continuer la lutte », lance l’honorable Aké Natondé.