L’enseignement supérieur est malade : à qui la faute ?
Les professeurs qu’on qualifie de renom international ne font pas 1% de l’ensemble des professeurs qui existent sur la terre.
Pour cette catégorie, si le Bénin a les moyens de payer leurs honoraires et autres accessoires de commodités, autant utiliser cet argent pour créer un laboratoire dans une entité tous les deux ans. Ne gaspillons pas l’argent public s’il vous plaît! *La pédagogie est aussi une question de processus culturel dynamique et d’inculturation du développement par des savoirs endogènes et exogènes; ce ne sont guère des ingénieries statiques de formation, de production et de diffusion de connaissances abstraites et déconnectées de la réalité et de la réflexion, sorte de bourrages de crânes pour générer des paroliers incapables de passer à l’action productive d’autonomisation économique.
Vous avez des professeurs internationaux au Togo qui font des missions d’enseignement dans la sous-région et en Europe tout comme des Béninois d’ailleurs. Tous ces enseignants sont des internationaux dont certains sont également des experts internationaux dans leurs domaines.
Le cachet international qu’on tend à ériger en label pour évaluer les professeurs béninois du supérieur me pose un sérieux problème d’approche.
J’ai des doutes sur l’efficacité de ces professeurs évaluateurs internationaux pour jauger leurs pairs béninois. Pour choisir un tel professeur international, il faut avoir l’évaluation de son université d’attache et des résultats de la certification de ses travaux scientifiques et techniques internationaux. Je doute que le Bénin ait les moyens de réalisation de ces préalables. Le Bénin sera grugé si jamais le gouvernement se lance dans cette aventure évaluative.
J’aimerais savoir le budget de recherche que le PAG et chaque BGE allouent annuellement à chaque université avant de vider le fond de ma pensée.
Disons-nous la vérité, on ne peut plus former en 2023 comme on formait il y a 40 ou 50 ans. Les effectifs étaient maîtrisables à l’époque avec de consistants programmes financés par la coopération internationale. Les rares entreprises béninoises qui ont une certaine surface financière ne financent pas la recherche universitaire et même pas des salles de cours. Nos universités vivotent, et ne pas le reconnaître, c’est manquer d’audace pour regarder dans la glace.
Pour que l’enseignement supérieur soit de qualité, il faut financer des travaux de recherche basés sur des résultats. C’est la recherche qui alimente et rehausse la qualité de l’offre éducative dans l’enseignement supérieur.
Bien évidemment, la systématisation de l’appellation enseignants-chercheurs dans un pays où la recherche fondamentale et la recherche-developpement sont dans un état larvaire me dérangent mais ça se comprend et c’est un problème statutaire mal ficelé. Mes premiers acteurs à dénoncer ce ne sont guère les professeurs mais le gouvernement et le parlement ainsi que les syndicats du supérieur qui brillent par leur incapacité à donner de la voix sur le déclin de l’enseignement supérieur.
Quand un enseignant du supérieur devient ministre ou député, on se demande s’il démontre sa connaissance du secteur et son attachement à résoudre l’épineux problème de la réforme globale des universités sur la base d’un programme à long terme avec une vision largement partagée ?
Chaque régime vient avec sa conception de réforme, le régime suivant remet en cause les acquis, et on passe le temps à gérer des successions de rupture de réformes sans capitalisation et sans évaluations. On se contente des audits du système universitaire comme si l’élément déclencheur d’une réforme globale c’est uniquement l’audit.
C’est quoi l’éthique dans un système éducatif national?
1/ c’est l’obligation pour l’Etat de mettre en place un programme national d’éducation à la citoyenneté comme formation commune de base obligatoire : le gouvernement a 00/20;
2/ l’Etat doit financer la recherche universitaire pour soutenir l’offre d’enseignement et les innovations économiques sociales et technologiques dans le secteur privé : le gouvernement a 01/20
3/ l’Etat doit mettre en place un schéma directeur de modernisation de l’enseignement supérieur et de la recherche basé sur des défis actuels et du futur sur la base d’un diagnostic global du contexte national et géopolitique international : le gouvernement a 02/20
4/ l’Etat doit créer les conditions favorables à la dynamisation de la diplomatie universitaire : le gouvernement a 03/20
5/ l’Etat doit promouvoir l’avancement au mérite basée des données probantes de qualités morales, pédagogiques et de maîtrise technique de son domaine avec la participation des étudiants à l’évaluation des enseignants : le gouvernement a une note de 02/20.
Le gouvernement doit demander aux corps enseignants, aux étudiants, aux parents d’élèves et aux secteur privé d’évaluer les obligations de l’Etat dans le sous-secteur de l’enseignement supérieur pour s’assurer que lui-même respecte ses engagements souverains avant de taper dans la fourmilière.
Oui, la question d’éthique est dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Ne pas financer la recherche universitaire, c’est encourager la médiocrité éducative et c’est aussi une question éthique fondamentale.
Je pense que sur la question de l’éthique, les responsabilités sont partagées. Le gouvernement aurait reconnu sa part de responsabilité sociétale envers le monde universitaire que mon argumentation se concentrerait sur les professeurs et les étudiants.
Le problème de fond c’est la réforme en profondeur de l’enseignement supérieur au Bénin. J’ai plutôt le sentiment que le gouvernement ne sait pas par quel bout amorcer une telle réforme globale. Il aurait pu adopter une approche participative avec un langage de vérité et d’imputation des responsabilités que certains qui font correctement leur boulot et non concernés par ces affaires de sexe n’allaient pas se sentir humiliés à tort et frustrés.
Le comité d’éthique est comme la charrue devant les bœufs. Pour réformer l’université, il ne faut surtout pas en faire uniquement l’affaire des enseignants, mais aussi des acteurs de différents secteurs d’activités publics et privés, y compris la diaspora évoluant à l’international. Ça, on le sait mais cette ouverture ne semble pas être de mise au Bénin et on opte pour des essais de réformes en enclosure.
En outre, il faut un système de cogestion. L’université publique n’appartient pas aux universitaires, c’est un bien commun.
Le gouvernement doit faire l’effort d’associer les enseignants à ses réflexions.
Quoiqu’on dise, la grande majorité des cadres supérieurs de nos administrations est produite par les universités nationales du Bénin. Donc nous devons mettre un peu de bémols dans nos appréciations.
Une vérité tangible reste l’incapacité du gouvernement à créer les conditions d’employabilité des jeunes et l’incapacité des universités à produire aussi des débrouillards capables de se prendre en charge. C’est là le vrai problème.
Il faut poursuivre la réflexion au lieu de se battre pour des réformettes qui ne règlent pas la situation des jeunes.
Simon-Narcisse Tomety
Institutionnaliste de réformes publiques