La pièce de théâtre « Le Retour des Ancêtres » du Docteur Rose-Ablavi Akakpo parue en cette année 2024 aux éditions Beninlivres a été officiellement lancée jeudi 22 février dernier à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). Dans cette œuvre, l’enseignante, cheffe du département musique et art dramatique de l’Institut national des métiers d’art, d’archéologie et de la culture (INMAAC) de l’UAC apporte sa contribue au débat actuel sur la restitution des biens culturels de l’Afrique pillés et la gestion du patrimoine culturel du continent proposant des pistes de solutions.
Au pays des Ebènes. Afougnon, un jeune homme, arrière-petit-fils du roi du royaume est confronté à deux besoins impératifs. La famine dans son foyer et sa femme à la maternité. Il va voler et vendre à vil prix, à un trafiquant européen d’objet sacré africain, le « Assin Royal », l’autel sacré, l’âme du village. Pour des raisons similaires, le chef de culte de ce village initie un couple d’occidentaux aux rituels de la divinité Lissa. Dr Rose-Ablavi Akakpo construit sa pièce « Le Retour des Ancêtres » autour de ces deux forfaits commis en violation des pratiques cultuelles et dont la découverte mettra en émoi tout le village. Roi, notables et aussi dieux vont intervenir.
La pièce écrite et déjà jouée dans le cadre du projet « Patrimoine en Lumière » du département musique et art dramatique de l’INMAAC-UAC pour sensibiliser sur les enjeux du patrimoine culturel est désormais édité. C’est aux éditions Beninlivres. Le public l’a accueilli le jeudi 22 février 2024 dans une cérémonie officielle de lancement à l’amphi Etisalat sur le campus d’Abomey-Calavi.
Après une bonne plage d’animation assurée par l’orchestre de l’INMAAC dans des interprétations de Janvier Dénangan, Sagbohan Danialou et du groupe Jomion contre le déracinement culturel et pour la reconnexion à la culture africaine, Docteur Fernand Nouwligbeto vient rapporter dans sa présentation que la pièce porte principalement sur le patrimoine culturel africain mais évoque aussi la misère, la tolérance, l’aliénation culturelle et religieuse. Le présentateur souligne que « cette pièce se fait écho des débats actuels sur la gestion du patrimoine culturel et la restitution des biens culturels bradés, volés ». « De façon précise, elle -Rose-Ablavi Akapko, ndlr- montre que le phénomène que nous décrions tous, à savoir le bradage du patrimoine culturel africain, n’est pas seulement le fait des occidentaux. Ce phénomène, c’est aussi les Africains ; nous sommes complices du bradage de nos biens et donc il ne faut pas seulement regarder de l’autre côté mais regardons-nous, nous-mêmes ; mirons-nous et nous verrons quelle image nous renvoyons de nous-mêmes dans ces vastes réseaux de trafiquants qui sont là pour voler et piller nos biens », relève le critique littéraire.
« Rose Akakpo s’inscrit dans le contexte de la valorisation du patrimoine culturel africain », dira professeur Bienvenu Koudjo, spécialiste de la littérature africaine, du théâtre et de la musicologie. Pour lui, Rose-Ablavi Akakpo rejoint entre autres auteurs, Jérôme Michel Tossavi dans sa pièce « I.N.C.I.N.E.R.E.S » parue en novembre 2023. Pour sa part, à travers « Le Retour des Ancêtres », la dramaturge défend que les voies de résolution de ce problème doivent être d’abord endogènes. C’est d’abord une prise de conscience individuelle et collective au niveau local. « Et là, le personnage de l’étudiant dans la pièce incarne l’élite qui doit jouer un rôle important pour montrer aux nôtres que ces valeurs sont importantes, que ce patrimoine est vraiment important et que sa préservation et promotion nécessite la mobilisation de toutes les énergies », note Dr Fernand Nouwligbèto.
Toutefois, le critique littéraire se demande si pour cela, il faut vraiment le retour des ancêtres ou plutôt le recours aux ancêtres. Autrement, il se demande s’il faut souhaiter le retour de toutes les valeurs culturelles du patrimoine béninois et africains. « Attention ! L’héritage que nous avons reçu, tout n’est pas rose là-dedans. Nous devons faire preuve de lucidité pour voir ce qu’il y a de positif, le prendre, le promouvoir et faire dos à ce qu’il y a de négatif parce que les ancêtres n’étaient pas tous des saints ; c’était des hommes avec leurs forces et avec leurs faiblesses », soutient-t-il. « La recommandation sur le retour aux sources, aux ancêtres tout en faisant la sélection qu’il faut pour ne pas reculer reste d’actualité », renchérit professeur Bienvenu Koudjo. « Le Retour des Ancêtres » est un appel pour la sauvegarde, la conservation et la promotion du patrimoine culturel africain.