L’Académie du Royaume du Maroc consacre l’historien Dieudonné Gnammankou. Le célébricime cadre bénnois a reçu le « Trophée de l’Académie Royale du Maroc ». C’était lors du colloque international tenu du 6 au 7 mars 2024 à l’Académie du Royaume de Rabat au Maroc, sur le récit des origines et les grandes dates de l’histoire des littératures africaines et diasporiques. Cette récompense à l’honneur du chercheur béninois s’inscrit dans le cadre de la reconnaissance de ses 32 ans de travaux et publications scientifiques. Ces œuvres ont révélé l’origine kotoko (Cameroun) de Pouchkine et l’importance de l’Afrique dans la vie et la création littéraire du fondateur de la littérature russe moderne. Les œuvres principales du Professeur sont entre autres, Abraham Hanibal, l’aïeul noir de Pouchkine (1996) ; Pouchkine et le monde noir (2000) ; Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle (et Yao Modzinou 2008) ; Abraham Hanibal : Prince of Logone, Pushkin’s african ancestor (et Edyth Watt 2015). Le récipiendaire en sa qualité de membre de la Commission Éducation et Éthique de l’Académie Nationale des Sciences, Arts et Lettres du Bénin, a en 2023 gagné la confinace du Chef de l’Etat béninois,Patrice Talon qui l’a nommé le 13 septembre 2023, membre du Comité de préfiguration de la Cite-Musée de Ouidah sur la mémoire de l’esclavage.
Dans son allocution de bienvenue, Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’institution académique marocaine, le Pr Abdeljalil Lahjomri, a d’emblée cadré ce symposium par un rappel historique : L’Afrique est le berceau de l’humanité. Et en tant que telle, elle n’a pas de justifications à produire, mais des harmonies à construire.
Pour sa part, l’administrateur de la Chaire, l’universitaire et romancier Eugène Ébodé, a ensuite réitéré les bases et assises programmatiques de la chaire innovante qu’il dirige, créée par l’Académie du Royaume chérifien pour : décloisonner, valoriser et favoriser la circulation des littératures africaines. La datation des littératures, l’une des préoccupations à l’ordre du jour du colloque, avait pour objet de poursuivre « la réflexion sur l’historisation des données intellectuelles africaines, et plus précisément, ainsi que la mutualisation bienveillante des réflexions sur les cultures, vues lues, reçues et magnifiées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, comme le pôle privilégié du rayonnement partagé, l’accélérateur de la compréhension entre les peuples et de la concorde entre civilisations. »
Pendant deux jours et à un rythme soutenu, de brillantes contributions ont été présentées sur divers axes : des «voleurs de langue» (hommage au poète malgache Jacques Rabemananjara et célébration de la diversité linguistique en Afrique) à la présence africaine, magnifiée par la création de la maison d’édition éponyme et l’œuvre du Sénégalais Alioune Diop en 1947. Si les conférenciers ont été unanimes à considérer le patrimoine oral – constitué de contes, légendes, fables, devinettes, joutes oratoires, poésie – comme se situant dans un temps long, il précède la migration des récits vers l’art scripturaire. Ce dernier renvoie quant à lui à plusieurs temporalités dont le puzzle, a précisé le Pr François-Xavier Fauvelle, reste à compléter. Quelques étapes, jalonnant la longue route de ces littératures écrites en Afrique et dans la diaspora, à en croire l’argumentaire du colloque, comprennent quelques indicateurs :
- L’antiquité (dominée par l’Égypte pharaonique et l’invention des hiéroglyphes entre 3200 et 3000 av. J.-C.) ;
- La période romaine après la chute de Cléopâtre : les sociétés dotées d’une écriture permettent la circulation des récits, le latin pendant la période punique, l’arabe et l’Amazigh restant à renseigner pendant la domination almoravide en Espagne ;
- De la chute de Rome à la période des explorations et de la « découverte de l’Afrique comme enjeu géopolitique » ;
- Du commerce triangulaire au surgissement des écrits diasporiques sur la déploration et la colère noire[1] aux Amériques ;
- Les récits sur la cosmogenèse chez les Fang-Beti, chez les Tutsis du Rwanda, chez les Peuls et les Dogons à partir du XVe siècle ;
- Les littératures de la période coloniale et de la rebuffade (des écrits de Fadhma Aït Mansour-Amrouch, marqués par l’autobiographie, à l’autofiction contemporaine en passant par la négritude des sœurs Nardal en France dans les années 30) ;
- Les littératures « cosmopolitaines », réalisées par les Africains en Occident ;
- Les littératures écrites en Afrique et distinguées ;
- L’ère des nouvelles littératures diasporiques et de l’hybridité ;
- La littérature du dégagement et du retour à soi, dans les langues africaines…
C’est dans ce contexte que le Pr Dieudonné Gnammankou a tenu à rappeler les apports singuliers du poète russe Alexandre Pouchkine ; son métissage, lui dont le bisaïeul, Abraham Hanibal, était noir et originaire d’Afrique, a contribué, du fait de cette origine particulière, à tracer des récits eux-mêmes originaux, a souligné l’intellectuel béninois. Dieudonné Gnammankou connaît une période particulièrement faste, lui qui revient d’un voyage à Moscou dans le cadre des célébrations du deux cent vingt-cinquième anniversaire de la naissance de Pouchkine. C’est à un Africain qui se définit comme un transmetteur de l’histoire des Africains et de la mémoire des diasporas que l’Académie du Royaume du Maroc a distingué. Il est récompensé pour ses travaux d’historien sur les Africains vivant à l’étranger et, singulièrement, sur Abraham Hanibal.
Selon les participants de ce colloque international sur la datation des littératures, une heureuse surprise en a clôturé les travaux. Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc a en effet décidé, sur proposition formulée par l’admirable synthèse du Pr François-Xavier Fauvelle, de créer une Chaire des civilisations africaines à Rabat. Bon vent aux lettres et à la nouvelle instance académique !
Précisons que le Prof Dieudonné Gnammankou a donné une conférence dans la prestigieuse université Mohammed Vi polytechnique, ce lundi 11 mars 2024 sur le thème intitulé : Abraham Hanibal (l’aïeul noir de Pouchkine) et les sciences de l’ingénieur.
Au nombre des personnalités ayant participé au colloque historiographique et littéraire sur l’Afrique, autour du Pr Abdeljalil Lahjomri, Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, ont peur citer : Pr Elisabeth Mudimbe-Boyi (Stanford University – USA), Pr Tanella Boni (Université de Cocody, en Côte d’Ivoire, et membre de l’Académie du Royaume du Maroc), Pr Fatiha Bennani (Université Hassan II de Casablanca – Maroc), Pr François-Xavier Fauvelle (Collège de France et Académie du Royaume du Maroc), Pr Mohamed Essaouri Université de Kenitra et membre de l’Académie du Royaume du Maroc), Pr Abdelfattah Kilito (Université Mohammed V et Académie du Royaume du Maroc), Pr Eugène Ébodé (Université Lansana Conté de Guinée et Administrateur de la Chaire des littératures et des arts africains de l’Académie du Royaume du Maroc), Pr Louis Obou (Université Houphouët-Boigny à Abidjan en Côte d’Ivoire), Clément Ehora (Université Alassane Ouatara de Bouaké), Pr invité Dieudonné Gnammankou (Université du Bénin et Université de l’Alabama, USA), Johann Chapoutot (Université Sorbonne – France), Dr Marc-Bekalé (Université de Reims, France).