Fabrice Noukpakou, Elie Pauporté et Renaud Pleitinx sont co-auteurs de « Manuel pour la rénovation des Tata Somba » paru aux éditions PUL (Presses Universitaires de Louvain) dans la collection Forma loci paru aux éditions PUL (Presses Universitaires de Louvain) dans la collection Forma loci. Fabrice Noukpakou nous amène au fond de l’ouvrage à travers cette interview. Après une présentation, il nous indique le contexte de la publication, les objectifs, les impacts tangibles sur la promotion du patrimoine, l’habitat, l’environnement, la résilience aux changements climatiques, etc. L’auteur donne aussi les adresses utiles pour accéder gratuitement au contenu du livre.
Vous venez de publier « Manuel pour la rénovation des Tata Somba ». Dites-nous, M. Fabrice Noukpakou, après une brève présentation de l’ouvrage, le contexte de sa publication ?
Le Manuel pour la rénovation des Tata Somba est un livre d’environs 120 pages coécrit avec Elie Pauporté et Renaud Pleitinx et paru aux éditions PUL (Presses Universitaires de Louvain) dans la collection Forma loci. La rédaction de cet ouvrage s’inscrit dans la mise en avant des résultats d’une série de recherches effectuées sur ce type d’habitation dans le cadre du projet HTC-Atacora qui est un projet financé par l’Agence wallonne de l’Air et du Climat (AwAC), porté par l’UCLouvain en partenariat avec Eco-Bénin et Yves Baudot. Ce projet avait pour objectif de préserver les habitats en terre crue et de promouvoir la construction d’habitats en terre crue résistant aux changements climatiques et peu consommateurs de bois de construction et de bois de chauffe.
La publication du Manuel pour la rénovation des Tata Somba vient répondre au besoin de documentation sérieuse de cette architecture. D’une part, cette publication lève le voile sur les différentes parties de la structure du Tata Somba et les différents types de terres exploitées pour la construction de chacune de ces parties. D’autres part, cette publication présente des procédés, expérimentés et validés sur le terrain, pour la composition de quatre différents matériaux de terre utilisés pour la construction, la rénovation et l’entretien du Tata Somba, en particulier, et des habitations en terre crue, en général.
Le livre est essentiellement composé de trois chapitres à savoir :
- Construire en terre qui aborde les spécificités et les propriétés de la matière Terre utilisée dans l’Atacora et la mise en œuvre des matériaux qui en découlent pour la construction de chaque structure de l’ensemble que sera le Tata Somba mis en chantier ;
- Construire un Tata Somba dont les lignes présentent une description architecturale du Tata Somba. Il y est rendu compte des différents éléments du Tata Somba et de leurs modes d’exécution avec les différents matériaux recensés sur le terrain et auxquels nos recherches proposent des procédés de composition pouvant leur offrir un meilleur comportement face aux intempéries, leur assurant ainsi une bonne durabilité.
- Rénover un Tata Somba qui, partant des expériences de terrain, documente les solutions appropriées aux pathologies souvent observées sur les Tata Somba. C’est dans ce chapitre que sont évoqués les différents procédés que nous avons testés et validés avec les communautés, et que préconise cet ouvrage appelé, à juste titre, Manuel pour la Rénovation des Tata Somba.
Quels sont ces procédés et en quoi consistent-ils ?
Il est observé que la construction, la rénovation ou l’entretien du Tata Somba et des habitations en terre crue étudiés dans l’Atacora exige, selon les parties à travailler, différents matériaux provenant également de différents types de terre. Notre ouvrage catégorise ces matériaux et renseigne sur leur composition. Nous y proposons, après essais, quatre procédés simples et adéquats que sont :
- La terre à construire d’Atacora utilisée pour la construction des tourelles et des murs d’enceinte du Tata. Cette terre est prélevée dans les encablures du site de construction ou provient des ruines d’un Tata, tamisée de sorte à en retirer les graviers de plus de 2 mm afin de faciliter le pétrissage jusqu’à l’obtention du matériau adéquat à la construction ;
- La terre à colmater d’Atacora qui provient d’un mélange de terre de termitière et de poudre de cosses de néré, pétri à l’eau idéalement issue de la macération des cosses de néré. Ce matériau dont l’application est bien décrite dans le Manuel, est adapté au rebouchage des fissures souvent observées à la jonction des murs d’enceinte et des tourelles ;
- Le béton terre d’Atacora destiné aux gros-œuvres. Sa composition prend en compte la terre essentiellement gravillonnaire à laquelle est ajoutée de l’eau. Ce mélange, qui présente une grande stabilité, sert à la réparation des pieds de murs effondrés. La terre de base provient également des environs du chantier ou des ruines d’une habitation de même type ;
- L’enduit terre d’Atacora qui est appliqué sur les parties extérieures de l’habitation joue un rôle fondamental, constituant la première protection contre les intempéries. Il est composé d’une terre sablonneuse prélevée dans les abords des lits des cours d’eau à laquelle est ajoutée divers adjuvants tels que la bouse de vache fraiche ou fermentée, la poudre de cosses de néré et la sève du Diyouani (appellation locale d’une liane). Pour prévenir et lutter contre les termites, les feuilles de Neem pillées ou l’eau issue de la macération des écosses de Neem est ajoute au mélange bien pétri avant son application sur les murs humidifiés.
Les recherches effectuées pour l’optimisation de ces différents matériaux, telle que consignée dans l’ouvrage, ont également permis de proposer aux communautés un badigeon à base d’Eau de Néré qui renforce la résistance de l’enduit. Cette Eau est obtenue par ébullition d’eau additionnée de cosses de Néré et de rouille de fer, celle-ci dégageant dans l’eau des oxydes qui améliorent la protection apportée par le badigeon. L’eau de Karité souvent aspergée sur ces enduits est également évoquée dans le livre.
Comment décliner cette contribution intellectuelle en impact tangible pour le Bénin ?
Cet ouvrage que nous mettons gratuitement à la disposition du public, téléchargeable sur le site : https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/lab/laa/manuel-pour-la-renovation-des-tata-somba.html se positionne, d’un premier point de vue, comme un condensé de rudiments destinés à la préservation d’un savoir menacé de disparition. Le Manuel ne s’adresse, plus qu’aux populations qui possèdent encore ce savoir, à ceux qui voudraient contribuer à la préservation des Tata sans disposer de ce savoir. Le caractère soutenable de ce type de construction est l’une des motivations pour chercher à préserver et promouvoir ce mode constructif. Les matériaux dont les compositions sont développées dans ce livre, sont issus du milieu, recyclables et participent donc à la sauvegarde de l’environnement. Les adjuvants végétaux également. Aussi, ce manuel vient appuyer les efforts en cours pour offrir à chacun un logement décent et durable. Dans le domaine du patrimoine culturel que représente aussi le Tata Somba, ce manuel propose un ensemble de techniques de rénovation et de réparation appuyées sur une connaissance du matériau terre et tirées de l’observation des modes de construction traditionnels qui auront pour impacts une meilleure sauvegarde de ces Tata. Il contribuera également à la promotion de cet élément patrimonial.
A cet effet, nous invitons les autorités à divers niveaux à s’en inspirer pour la mise en place de mécanismes visant à promouvoir la construction en terre crue qui va de pair avec la préservation d’un écosystème dont dépend ce type d’habitat ; en particulier les essences de plantes et d’arbres nécessaires tant aux populations qu’à la construction de cet ouvrage. Cela permettra de limiter la déforestation et contribuera à la lutte collective contre le réchauffement climatique.
Pour citer l’ouvrage :
Noukpakou, F., Pauporté, E., & Pleitinx, R. (2022). Manuel pour la rénovation des Tata Somba (Forma loci ed.): Presses Universitaires de Louvain.
